Notre ami et membre titulaire Pierre Baron vient de publier chez L’éditeur universitaire réputé, Honoré Champion, un travail de plus de quinze années sur Louis Lécluze (1711-1792), acteur, auteur poissard, chirurgien-dentiste et entrepreneur de spectacles (726 pages).
Chirurgien-dentiste et homme de théâtre n’est en rien exceptionnel au XVIIIe siècle, si l’on évoque les affinités entre notre profession et leurs cousins de plein air, les charlatans avant tout hommes éternellement en représentation. Rappelons également Pierre Fauchard entouré familialement d’acteurs, jusqu’à son fils qui le deviendra, tout comme Talma.
Lécluze se distinguera aussi bien dans tous ses métiers exercés en alternance et avec le même talent. Il est, entre autres, le dentiste du maréchal Hermann Maurice de Saxe et de ses armées ainsi que de Stanislas, roi de Pologne et beau-père de Louis XV. De plus, il modifie un levier pour extraire les dents de sagesse et remet en lumière le gratte-langue.
Ses publications (Traité utile au public (1750), Nouveaux éléments d’odontologie (1754), Eclaircissements essentiels pour parvenir à préserver les dents de la carie, et à les conserver jusqu’à l’extrême vieillesse (1755) voisinent en très bonne place avec celles de Fauchard, Bourdet ou Jourdain qui ont assuré la suprématie odontologique française au XVIIIe siècle.
Mais cette somme immense de recherches issues d’une thèse soutenue à Paris V-Sorbonne, sort enfin Lécluze de l’oubli en tant qu’homme de théâtre et auteur poissard. C’est avec Vadé qu’il crée ces fabuleux textes poissards pour les tréteaux des grandes foires de Paris, Saint-Germain et Saint-Laurent. Le déjeuner de la Rapée, avec Madame Angot et sa fille mondialement connues grâce à Charles Lecocq. Il en est le comédien adulé. Il est aussi acteur principal de Charles Simon Favart, que ce soit à la foire ou avec la troupe du théâtre des armées du maréchal de Saxe. Homme littéralement orchestre, il est dans tous les milieux, des plus populaires aux plus aristocratiques qu’intellectuels. Il séduira Voltaire à Ferney qui lui confiera en prime la bouche de sa nièce. C’est en tant qu’entrepreneur de théâtre qu’il ne sera pas toujours heureux après avoir créé le théâtre des Variétés amusantes, un des premiers sur le boulevard du Temple.
Ce livre d’une remarquable érudition est un plongeon magnifique dans tout le XVIIIe siècle tant dans le monde dentaire que dans celui du théâtre de la Foire et son Opéra-Comique.
Micheline Ruel-Kellermann